Top 10 des circuits mythiques de la F1
Par Philippe Laguë
Mythiques par leur histoire et leur ancienneté, par les exploits qui s’y sont déroulés, par les drames et les tragédies dont ils ont été le théâtre, ces dix circuits méritent leur place au Panthéon de la F1.
1. Nürburgring
« Si un pilote vous dit qu'il n'a pas peur sur le Ring, il y a deux possibilités : soit il ment, soit il ne va pas assez vite pour comprendre ce qu'est le Ring. » - Jackie Stewart
Lorsqu’il est question des circuits légendaires du sport automobile, il y a le Nürburgring… et les autres. Mesure-étalon pour évaluer le talent et le courage d’un pilote, le Ring a ses Ringmeisters, terme désignant ceux qui le maîtrisent le mieux. Parmi eux, Alberto Ascari, Juan Manuel Fangio et Jackie Stewart, triples vainqueurs du GP d’Allemagne. Trois autres pilotes s’imposent à deux reprises : Tony Brooks, John Surtees et Jacky Ickx. Sa grande particularité est sa longueur hors-norme : la portion nord, la célèbre Nordschleife, où étaient disputés les Grands Prix, fait près de 23 kilomètres à elle seule et compte 176 virages! Le circuit tire son nom du château de Nürburg, situé juste à côté, dans les massifs de l’Eiffel. L’immortel Fangio y signe la plus belle victoire de sa carrière en 1957, après une remontée d’anthologie, pendant laquelle il bat le record du tour à plusieurs reprises, surpassant même le chrono qui lui avait valu la pole! Le Ring compte aussi son lot de tragédies : cinq pilotes y trouvent la mort pendant le GP d’Allemagne mais c’est surtout le terrible accident de Niki Lauda, raconté dans le film Rush, qui frappe l’imaginaire. Triste ironie, les autorités sportives, jugeant le circuit trop dangereux, avaient décidé au début de la saison 1976 de le remplacer par Hockenheim dès la saison suivante… Une nouvelle configuration du Nürburgring, plus courte et conforme aux normes de sécurité modernes, a été inaugurée en 1984. Elle a ensuite été le théâtre de plusieurs Grands Prix. La Nordschleife continue cependant d’être utilisée, tant par des pilotes amateurs que par des constructeurs automobiles, soucieux de prouver l’efficacité de leurs modèles. Comme quoi le Ring demeure, après 90 ans d’existence, LA référence.
2. Monaco
« Conduire à Monaco, c’est comme faire de la bicyclette dans un appartement » - Nelson Piquet
Comme le Nürburgring, le circuit de Monaco date des années 20 et il sert de barême pour mesurer le talent. La comparaison s’arrête là : si le circuit allemand est réputé pour son immensité, celui de la Principauté l’est pour son étroitesse. La course se déroule en effet dans les rues de la ville, et non sur un circuit permanent. Ce qui fait de Monaco le circuit le plus lent, mais aussi l’un des plus difficiles, parce que bordé de murets et de rails, qui imposent un pilotage ultra-précis. Atypique, donc, et anachronique : s’il fait encore partie du calendrier, c’est d’abord et avant tout une question de tradition. De prestige, aussi : une victoire à Monaco possède une valeur ajoutée. À de rares exceptions près (dont Piquet, qui l’avait en aversion), c’est LE Grand Prix que tout pilote rêve de gagner, d’autant que bon nombre d’entre eux « jouent à domicile », ayant choisi la Principauté comme lieu de résidence. Si le Nürburgring a ses Ringmeisters, Monaco a aussi ses maîtres : Ayrton Senna mène avec six triomphes devant Graham Hill et Michael Schumacher, ex-aequo avec cinq. Le Brésilien aurait dû en compter deux de plus : en 1984, son irrésistible remontée est interrompue par la décision controversée du directeur de course, Jacky Ickx, d’arrêter la course au 31e des 78 tours, à cause de la pluie torrentielle; en 1988, il commet une de ses rares fautes de pilotage à 11 tours de la fin, alors qu’il mène avec une confortable avance. Autre particularité de Monaco : c’est le seul Grand Prix où des pilotes ont été sauvés par… des hommes-grenouilles! Alberto Ascari, en 1954, et Paul Hawkins, en 1965, ont tous deux plongé dans les eaux du port. Son étroitesse rendant les dépassements hasardeux (euphémisme!), Monaco est moins propice aux remontées homériques que les autres circuits. À l’inverse, les rues de la Principauté ont été le théâtre de plusieurs Grands Prix rocambolesques, certains s’apparentant à une course par élimination : seulement quatre pilotes ont complété la course en 1966; trois en 1996... La victoire de Gilles Villeneuve, en 1981, est aussi passée à l’histoire : personne d’autre que lui n’aurait pu gagner avec une monoplace aussi peu compatible avec le tortillard monégasque. Ce jour-là, le pilote québécois a montré toute l’étendue de son talent, avec un véritable numéro d’équilibriste. Fait inusité, trois pilotes ont gagné leur seul Grand Prix à Monaco : Jean-Pierre Beltoise, Olivier Panis et Jarno Trulli.
3. Spa-Francorchamps
« (Spa) différenciait les hommes des petits garçons » - Dan Gurney
Du tortillard monégasque au toboggan des Ardennes, on change complètement d’univers : Spa est un circuit de vitesse, très prisé des pilotes. L’ancien tracé avait aussi ses détracteurs : parmi eux, Jackie Stewart, qui y a subi, en 1966, son plus grave accident, et son compatriote Jim Clark. Malgré cette aversion, Clark s’est imposé quatre années d’affilée! Conçu en 1921, Spa-Francorchamps est le plus ancien des circuits « historiques » de la F1. Son tracé original faisait près de 15 kilomètres, soit un peu plus du double du circuit actuel. Le Mexicain Pedro Rodriguez a remporté le dernier Grand Prix sur l’ancienne configuration, en 1970. Le Grand Prix de Belgique a ensuite déménagé à Nivelles, puis à Zolder, pour finalement revenir à Spa en 1983. Michael Schumacher est le recordman du circuit avec six victoires, une de plus que Senna et deux de plus que Clark et Raikkonen. Spa est aussi l’une des rares pistes de la F1 moderne à être située en pleine campagne, bordée d’arbres et de collines, ce qui donne des images magnifiques à la télévision. Autre cas de figure classique du circuit belge : il peut y avoir du soleil à une extrémité de la piste et de la pluie à l’autre bout. Et on ne peut parler de Spa sans mentionner le Raidillon de l’Eau rouge, une portion où il est souvent question de la grosseur des testicules des pilotes qui y passent sans lever le pied... Certains finissent dans le décor, comme Jacques Villeneuve, à deux reprises (1998 et 1999). À la défense de Villeneuve, il faut aussi préciser qu’il a signé une pole position convaincante sur ce même circuit en 1996.
4. Monza
Construit en 1922, l’Autodrome de Monza demeure le circuit le plus rapide du championnat de F1. Contrairement à celui de Spa-Francorchamps, plus exigeant en matière de pilotage et de réglages, Monza a une seule raison d’être : la vitesse pure. Ce qui explique, en grande partie, son lourd bilan : 52 pilotes (auto et moto) y ont trouvé la mort. Les accidents n’épargnent pas les spectateurs : 23 perdent la vie dans l’accident d’Emilio Materassi, en 1928, et 14 dans celui de Wolfgang Von Trips, en 1961. D’autres grands de la F1 ont péri à Monza : Alberto Ascari (1955), Jochen Rindt (1970) et Ronnie Peterson (1978). Le tracé initial de 10 kilomètres comprend deux circuits : un routier de 5,5 kilomètres et une piste ovale de 4,5 kilomètres avec virages inclinés. Celle-ci cesse d’être utilisée en 1962 mais on peut néanmoins l’apercevoir dans « Grand Prix », film-culte de John Frankenheimer, qui se déroule en 1966. Monza est aussi le bastion des tifosi, les célèbres fans de Ferrari, responsables de l’ambiance survoltée qui y règne. Lorsqu’un pilote de la Scuderia gagne à Monza, c’est l’apothéose, rien de moins! Encore plus si le vainqueur est Italien, comme Ascari, qui s’impose à deux reprises (1951 et 1952), Scarfiotti (1966) ou le charismatique Clay Regazzoni, Suisse d’origine italienne, double vainqueur lui aussi (1970 et 1975). C’est toutefois l’Allemand Michael Schumacher qui est le recordman de Monza avec cinq victoires, toutes sur Ferrari.
5. Silverstone
Comme Monaco, Spa et Monza, Silverstone fait partie des circuits de la saison inaugurale de la F1 moderne, en 1950, et il revendique l’honneur d’avoir été l’hôte de la toute première course de ce championnat. Situé sur une ancienne base de la Royal Air Force (RAF), il est le théâtre du Grand Prix de Grande-Bretagne de façon permanente depuis 1987, après des années d’alternance avec les circuits d’Aintree et de Brands Hatch. Malgré d’importantes modifications au fil des années, visant à le rendre plus sécuritaire, Silverstone ne concède qu’à Monza le titre de circuit le plus rapide de la F1. Enthousiastes et connaisseurs, les fans britanniques ont été gâtés par leurs pilotes : Lewis Hamilton a franchi la ligne d’arrivée en vainqueur quatre fois; Nigel Mansell et Jim Clark, trois fois. Il faut préciser que l’Écossais a aussi remporté le GP de Grande-Bretagne à deux autres reprises : à Aintree (1962) et Brands Hatch (1964), tandis que Mansell a aussi gagné à Brands Hatch en 1986. C’est cependant le Français Alain Prost qui est le roi de Silverstone, avec cinq victoires.
6. Brands Hatch
Entre 1963 et 1987, le magnifique circuit de Brands Hatch a été l’hôte du Grand Prix de Grande-Bretagne, en alternance avec Silverstone. Et c’est un Britannique, Nigel Mansell, qui a été le dernier vainqueur d’une course de F1 à Brands Hatch, en 1986. Cette même année, un grave accident impliquant quatre pilotes, dont le Français Jacques Laffite, remet en cause la sécurité sur ce circuit, jugé vétuste. L’accident met fin à la carrière de Laffite et à la venue de la F1 à Brands Hatch. Auparavant, le Suisse Jo Siffert y avait trouvé la mort en 1971, lors d’une course hors-championnat à laquelle prenaient part des monoplaces de F1 et de F5000. Triste ironie, Siffert avait gagné son premier Grand Prix sur ce même circuit, trois ans plus tôt.
7. Watkins Glen
Contrairement à ce que certains pourraient croire, les premières courses de F1 en sol américain n’ont pas été disputées au célèbre circuit de Watkins Glen, dans l’État de New York. Le premier Grand Prix des États-Unis, remporté par Bruce McLaren, se déroule à Sebring, en 1959. L’année suivante, c’est le défunt circuit californien de Riverside qui accueille le GP (victoire de Stirling Moss). La grande époque du « Glen » commence en 1961 et se poursuit, sans interruption, jusqu’en 1980. Il faut cependant préciser qu’à partir de 1976, deux Grands Prix sont disputés aux États-Unis : celui de Watkins Glen, dans l’État de New York, et celui de Long Beach, en Californie. Le premier est ainsi rebaptisé GP des États-Unis Est et le second, GP des États-Unis Ouest. C’est une période faste pour la F1 en Amérique du Nord : le Canada a aussi son Grand Prix, des pilotes américain (Mario Andretti) et canadien (Gilles Villeneuve) prennent part au championnat, ainsi que des écuries américaines (Shadow, Parnelli, Penske) et canadienne (Wolf). Watkins Glen est aussi le théâtre des premières : Innes Ireland, Jochen Rindt, Emerson Fittipaldi et François Cevert y gagnent leur premier Grand Prix – les trois premiers sur Lotus. C’est d’ailleurs un terrain fertile pour l’écurie britannique qui triomphe à sept reprises au Glen. Gilles Villeneuve y signe aussi une victoire magistrale en 1979, éclipsant tous ses adversaires sous la pluie. La mort n’épargne pas « The Glen » : chez les pilotes de F1, François Cevert se tue en 1973, deux ans après y avoir remporté son unique victoire (l’accident est évoqué dans le film Rush). L’année suivante, l’Autrichien Helmut Koinigg, à son deuxième départ en F1, connaît lui aussi une fin tragique sur ce même circuit.
8. Imola
L’Autodrome Dino et Enzo Ferrari d’Imola accueille pour la première fois le Grand Prix d’Italie en 1980. Ce sera aussi la seule puisque la course est rebaptisée Grand Prix de Saint-Marin l’année suivante, le Grand Prix national étant de retour à Monza. L’Italie compte ainsi deux Grands Prix jusqu’en 2006. Avec sept victoires, l’Allemand Michael Schumacher est le roi incontesté d’Imola, d’autant que six d’entre elles ont été remportées au volant d’une Ferrari. Imola rime aussi avec controverse : en 1982, au plus fort d’une crise qui divise la F1 en deux clans (FOCA et FISA), le Grand Prix est boycotté par certaines écuries. La course a quand même lieu mais elle est marquée par l’incident impliquant les deux pilotes Ferrari, Gilles Villeneuve et Didier Pironi, le premier accusant le second de ne pas avoir respecté les consignes d’équipe et de lui avoir volé la victoire. C’est la dernière course du pilote québécois qui, la rage au cœur, se tue lors des qualifications du GP suivant, en Belgique. Le virage de Tamburello est le théâtre, lui, de deux drames : le terrible accident de Gerhard Berger, dont il se tire miraculeusement vivant, en 1989, tragique prélude de celui d’Ayrton Senna, cinq ans plus tard. Le « week-end noir » d’Imola, marqué par plusieurs incidents, passe d’ailleurs à l’histoire : Roland Ratzenberger se tue pendant les qualifications et Senna le lendemain, pendant la course. Rubens Barrichello, lui, frôle la mort lorsque sa monoplace s’envole littéralement. Ce funeste Grand Prix est une tache indélébile, et dans l’histoire de la F1, qui y a perdu deux pilotes, dont un de ses plus grands; et dans celle du circuit d’Imola, désormais indissociable de ces tragédies.
9. Interlagos
Si on associe le Brésil à la samba et au foot, il ne faut pas oublier la Formule 1. Ce pays est une formidable pépinière de coureurs automobiles et il a donné à la F1 quelques-uns de ses plus grands champions. Parmi eux, Emerson Fittipaldi, Nelson Piquet et Ayrton Senna, qui totalisent à eux seuls huit championnats du monde. De par sa position au calendrier, le GP du Brésil joue souvent un rôle déterminant : de 1972 à 2003, il figure parmi les premières courses au calendrier, servant ainsi de baromètre; depuis 2004, c’est l’inverse : il est disputé en fin de saison, couronnant parfois le champion. Peu importe sa position dans le calendrier, il est souvent le théâtre de moments forts, surtout lorsqu’un pilote brésilien triomphe : Fittipaldi gagne deux années d’affilée (1973 et 1974), Carlos Pace en 1975, Piquet en 1983 et 1986, Senna en 1991 et 1993, Felipe Massa en 2006 et 2008. Précisons que les deux victoires de Piquet surviennent à Rio de Janeiro, au circuit de Jacarapegua, où se déroule le GP du Brésil de 1981 à 1989. La deuxième victoire de Massa, en 2008, est probablement la plus crève-cœur de l’histoire de la F1 : il est champion du monde pendant quelques secondes, jusqu’à ce que Lewis Hamilton ne parvienne à dépasser Timo Glock dans l’ultime virage. Le Britannique gagne le championnat par un point… Le record de victoires au Grand Prix du Brésil appartient au Français Alain Prost (6), devant l’Argentin Carlos Reutemann et l’Allemand Michael Schumacher, ex-aequo avec 4.
10. Montréal
Avant de nous accuser de chauvinisme, sachez que le Grand Prix du Canada célèbre en 2017 son 50e anniversaire, ce qui en fait une des manches les plus anciennes du calendrier. Le premier Grand Prix est disputé sur le circuit ontarien de Mosport en 1967, année du centenaire de la confédération canadienne. Les quatre premiers Grands Prix se déroulent en alternance avec le circuit du Mont-Tremblant mais à partir de 1971, Mosport en garde l’exclusivité. Le Grand Prix du Canada célèbre ses 10 ans avec une victoire historique : Jody Scheckter fait triompher une monoplace aux couleurs du Canada. Bien que basée en Angleterre, l’écurie Wolf appartient en effet à un Canadien d’origine autrichienne, Walter Wolf, et la voiture arbore le drapeau canadien. Un pilote québécois, Gilles Villeneuve, dispute ce même Grand Prix sur une Ferrari, en remplacement de Niki Lauda, parti avant la fin de la saison (avec le titre de champion en poche). La saison suivante, le « p’tit gars de Berthierville » devient le premier Canadien à disputer une saison complète de F1 et surtout, le premier à gagner son Grand Prix national devant les siens, à Montréal, où la course est désormais disputée. Le circuit de l’île Notre-Dame est rebaptisé Circuit Gilles-Villeneuve quelques semaines après sa mort tragique. Domicile du GP du Canada depuis presque 40 ans, ce circuit a été le théâtre de courses parfois spectaculaires, parfois inusitées, voire les deux. Le Français Jacques Laffite remporte le dernier GP de sa carrière à Montréal, en 1981 et Daniel Ricciardo son premier, en 2014. Le Français Jean Alesi et le Polonais Robert Kubica remportent par ailleurs leur seul Grand Prix à Montréal. Michael Schumacher est le recordman du GP du Canada avec sept victoires, deux de plus que Lewis Hamilton.